Microscope électronique à balayage

Introduction
Un microscope électronique à balayage (MEB ou SEM pour scanning electron microscope) est un instrument polyvalent, dont les premiers modèles ont été commercialisés vers le milieu des années 60, qui permet d'observer toute sorte d’échantillons avec un fort grossissement et une grande profondeur de champ (« effet relief »). Contrairement aux microscopes optiques (appelés aussi microscopes photoniques), qui utilisent des photons pour observer la matière avec des grossissements de quelques unités à mille fois (permettant d’apprécier des détails de l’ordre du micromètre), les microscopes électroniques à balayage utilisent un faisceau très fin d'électrons permettant d’atteindre des grossissements encore plus importants pouvant atteindre un million de fois (permettant d’apprécier des détails mille fois plus petits de l’ordre du nanomètre). Lire l'article paru dans le Journal de la Criminalistique, No.7, Vol.1
Principe de fonctionnement
Un faisceau d'électrons incidents est balayé à la surface de l'échantillon à l'aide de bobines magnétiques parcourues par un courant électrique variable. L'interaction entre ces électrons et l'échantillon va émettre de nouveaux électrons et des rayons X, qui vont être captés par des détecteurs spécifiques disposés autour de l’échantillon :
- les électrons secondaires proviennent des couches superficielles de l’échantillon et permettent d’obtenir des images caractéristiques de sa surface (contour, morphologie, etc.);
- les électrons rétrodiffusés, qui sont sensibles à la nature des atomes qui constituent l'échantillon, permettent de distinguer sur les images des zones de composition chimique différente;
- les électrons Auger permettent de faire une analyse quantitative de la composition chimique de la surface de l'échantillon;
- les rayons X (ou photons X) permettent de faire une analyse quantitative de la composition chimique élémentaire de l’échantillon (microanalyse X).
Ainsi, le microscope électronique à balayage peut être utilisé à la fois pour faire une image de la topographie de l’échantillon avec un grossissement pouvant atteindre plusieurs millions de fois (caractérisation morphologique) et pour déterminer la nature des atomes constituant l’échantillon (caractérisation chimique).
En pratique, l’échantillon étudié doit être conducteur électrique, ou rendu conducteur par dépôt d'une couche mince de métal ou de graphite (métallisation sous vide), afin d'éviter l'accumulation de charges électriques à sa surface et la présence gênante de zones « lumineuses » sur l’image. Selon la nature du (ou des) échantillon(s) étudié(s), la procédure complète (préparation de l’échantillon / introduction de l’échantillon dans le sas du microscope / réglages du microscope / acquisition des images et des spectres X) peut durer entre quelques heures et plusieurs jours.
Le microscope électronique pour résoudre des affaires criminelles
Cet instrument polyvalent peut être utilisé dans les affaires criminelles pour analyser divers types d’objets ou de composés prélevés sur les lieux d'un crime, d’un délit, d’un sinistre ou d’un accident :
- Résidus de tir d'armes à feu (balistique) : ce sont des résidus d’amorce, les résidus de poudre, de fumée, de particules de graisse ou de lubrifiant ainsi que les résidus métalliques provenant du projectile, de la douille et/ou de l’arme. Les résidus de tir (qui peuvent être constitués de particules brûlées, partiellement brûlées et/ou de particules non brûlées) se forment au moment du départ du coup de feu et se déposent sur la main du tireur ou dans son environnement (A. Gallusser, Traces d'armes à feu - Expertise des armes et des éléments de munitions dans l'investigation criminelle). Plus précisément, les résidus de tir sont généralement classés en 3 catégories selon leur composition :
Classe 1 : Particules caractéristiques de résidus de tir (sphérules ou forme irrégulière) de composition chimique élémentaire : Plomb (Pb)/Baryum (Ba)/Antimoine (Sb).
Classe 2 : Particules compatibles avec des résidus de tir mais non exclusives de compositions chimiques élémentaires suivantes :
- Baryum (Ba)/Antimoine (Sb);
- Plomb (Pb)/Baryum (Ba);
- Plomb (Pb)/Antimoine (Sb);
- Baryum (Ba)/Calcium (Ca)/Silicium (Si)/trace Soufre (S);
- Baryum (Ba)/Aluminium (AI) (sans soufre (S)).
Toutes ces particules caractéristiques ou compatibles avec des résidus de tir peuvent également être associées aux éléments suivants : le silicium (Si), le calcium (Ca), l'aluminium (Al), le cuivre (Cu), le fer (Fe) (trace), le soufre (S) (trace), le phosphore (P), le zinc (Zn), le nickel (Ni) (en association avec le cuivre et le zinc), le potassium (K), le chlore (Cl), l'étain (Sn) et le zirconium (Zr) pouvant provenir d'un chemisage de projectile et/ou autres parties constitutives de munitions.
Classe 3 : Particules compatibles avec des résidus de tir provenant de munitions sans plomb dites "écologiques" de compositions chimiques élémentaires suivantes :
-Titane (Ti)/Zinc (Zn);
Les éléments cuivre (Cu) ou étain (Sn) pouvant provenir d'un chemisage de projectile, le silicium (Si), le calcium (Ca) et l'aluminium (Al) peuvent aussi être associés.
- Strontium (Sr).
Ces particules sont prélevées par les enquêteurs à l'aide de tamponnoirs (petits plots métalliques recouverts d'un adhésif en carbone double face) qui sont appliqués sur les surfaces d'intérêt (visage, mains, vêtements, etc.). Au laboratoire, nous utilisons un microscope électronique à balayage (JEOL et Zeiss) muni d'un micro-analyseur X (MEB-EDX) pour identifier les particules caractéristiques ou compatibles avec des résidus de tir à partir de leur forme et leur composition chimique élémentaire (analyse inorganique). Un logiciel de comptage automatique est utilisé pour comptabiliser ces particules. Après interprétation des résultats et confrontation aux éléments de l’enquête, ils pourront être utilisés pour vérifier la compatibilité d’un témoignage avec les faits (suicide par arme à feu vs homicide), estimer une distance de tir, identifier l'orifice d'entrée d'un projectile, etc.
- Pollens (palynologie légale) : ce sont des grains de forme ovoïde ou sphérique de quelques dizaines de micromètres de diamètre provenant de végétaux et qui constituent des gamétophytes mâles (structures donnant des cellules reproductrices ou gamètes mâles). De morphologie complexe, ils possèdent des caractéristiques spécifiques : une espèce végétale produit un type particulier de pollens ou de spores, très résistants à la destruction biologique et généralement produits en grande quantité. L'observation de ces grains de pollen au microscope électronique à balayage permet de caractériser leur forme, leur structure, leur origine, etc. Dans une affaire criminelle, leur examen permettra de caractériser un milieu, d'établir un lien entre un objet ou une personne avec un milieu ou un site particulier, d'estimer une période (mois, saison) de commission des faits, etc.
- Filament de lampe à incandescence (accidentologie) : l'observation au microscope électronique à balayage du faciès de rupture du filament d'une lampe à incandescence provenant des optiques d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation peut être déterminante, notamment dans le cas d’un délit de fuite pour vérifier la compatibilité d’un témoignage. En effet, la présence d'une perle de verre en fusion provenant du lobe protecteur de l'ampoule signifie que l'ampoule était allumée au moment du choc, confirmant ou pas les témoignages recueillis.
La microscopie électronique à balayage couplée à la microanalyse X peut servir également, en complément d’autres techniques analytiques (spectroscopies Raman, infrarouge, etc.), à caractériser d'autres types de composés pouvant être recueillis par les enquêteurs sur une scène de crime : fibres, cheveux, argiles, céramiques, peintures, produits cosmétiques, poudres inconnues, etc.
Conclusion
Le microscope électronique à balayage est un instrument polyvalent que l’on peut prendre en main rapidement et qui est largement utilisé dans les laboratoires de recherche et industriels : médecine, biologie, métallurgie, physique, etc. pour caractériser divers matériaux. Dans les laboratoires de police scientifique, ils sont utilisés, souvent en complément d’autres techniques analytiques, pour étudier et/ou comparer la forme, la structure et la composition chimique d’objets ou composés prélevés par les enquêteurs sur le terrain. Les résultats obtenus et leur interprétation dans le contexte de l’affaire pourront ainsi apporter de nouvelles preuves au juge et contribuer dans les cas favorables à la résolution de l’enquête.
Bibliographie
C. Colliex, La microscopie électronique, Que sais-je ? , 1998.
ASTM E1588-16a, Standard Practice for Gunshot Residue Analysis by Scanning Electron Microscopy/Energy Dispersive X-Ray Spectrometry, ASTM International, West Conshohocken, PA, 2016.
ASTM E2228-10, Standard Guide for Microscopic Examination of Textile Fibers, ASTM International, West Conshohocken, PA, 2010.